• Conseillé par
    17 avril 2011

    Premier roman écrit en solitaire par Janny Wurts qui a collaboré à La Trilogie de l’Empire avec Raymond E. Feist. Si le premier tome de « La guerre de l’ombre et de la lumière » est plutôt bon, il m’a un tantinet étouffé par sa densité (et son épaisseur).

    Tout d’abord, nous sommes en face d’un cycle de fantasy classique, solide, qui tient bien la route, même si elle innove peu finalement. Les deux héros du roman sont deux demi-frères qui s’opposent en tout : Lysaer est le fils du roi légitime, beau, blond, élégant, fin stratège, bon épéiste, il sait gagner son audience; Arithon est le fils du roi pirate et le bâtard de la reine, les cheveux corbeau, l’allure dégingandé, mais puissant magicien qui voue une haine terrible au roi et à son demi-frère. Les deux frères s’opposent jusque dans leurs pouvoirs : car si Arithon possède le don d’en appeler aux ténèbres, Lysaer quant à lui a hérité de la lumière, bien qu’il ne sache pratiquement pas s’en servir, une formation lui ayant été refusée. Voilà, un postulat classique en somme, les frères ennemis étant un thème récurrent dans la fantasy. Là où Wurts innove, c’est dans la supposée « haine » que se voue les deux frères, car finalement si les deux princes s’opposent, ils se complètent aussi et finiront bien vite par, si ce n’est s’apprécier, du moins s ‘apprivoiser. J’ai particulièrement aimé leur relation, on sent que les deux frères se jaugent, cherchent à discerner la personnalité de chacun et qu’ils ont envie de se rapprocher mais l’habitude de la haine est très difficile à chasser. Car finalement, si les deux frères se détestent en apparence, c’est plus une question de tradition et d‘obligation (et un peu de jalousie) que de leur propre volonté . Les circonstances les mèneront à faire route ensemble et à devoir apprendre à se faire confiance car les voilà propulsés par delà la frontière, dans un nouveau monde, où la Brume a tout envahi, jusqu’à la lumière du soleil. Là encore, l’intrigue reste classique, les deux frères se révélant les héros d’une ancienne prophétie qui annonce la disparition de la Brume. Des magiciens, un prophète, un mystérieux ordre secret, le lecteur de fantasy ne sera pas déstabilisé, Wurts utilisant les ficelles traditionnelles de ce type de roman.

    Alors oui, c’est du « bon » classique, Janny Wurts sachant parfaitement mener sa barque et développer son récit de manière efficace. Reste que l’intrigue est un peu longue à se mettre en place, on se traîne un peu sur une grande partie du récit, c‘est un peu dommage. Au lieu de mener sa narration tambour battant, l’auteur utilise un ton plus posé, plus explicatif, avec de longs éclaircissements et développements qui, s’ils montrent que l’univers est richement construit, ralentissent un peu l’ensemble. Si on apprend beaucoup sur l’univers ainsi créé par Janny Wurtz (et on sent que l’auteur a pensé aux moindres détails, ces longs passages ne s‘apparentant nullement à du verbiage), il faut avouer que parfois on se morfond un peu et on se languit d’un peu d’action pour nous (r)échauffer. Honnêtement, j’ai trouvé que la narration manquait un peu de punch, c’est pour moi la « bête noire » de ce roman.

    En ce qui concerne la prose de l’auteur, il faut avouer que l’on est en face d’un roman de grande qualité. L’écriture de Jany Wurts est très racée, pas particulièrement abordable aux plus jeunes d‘ailleurs, un style assez soutenu, on prend du temps à lire les phrases. Le style possède une certaine excellence qui se rencontre rarement dans le genre je trouve. Le roman pourrait facilement plaire aux réfractaires à la fantasy, qui estiment que c’est un « sous-genre », mal écrit. Ici, ils en auront pour leurs frais. Le contenu comme le contenant faisant très adulte, très noble.

    Enfin, un autre point qui m’a un peu déçu dans ce premier tome, j’aurai aimé que la psychologie des deux frères soient plus approfondie, ainsi que leur relation. Je ne veux pas dire que leur personnalité est brossée à la va-vite, mais j’ai trouvé qu’il n’y avait pas assez de scènes entre les deux frères qui nous permettent d’être vraiment consterné lorsque la Brume les monte l’un contre l’autre tel deux pions sur un échiquier. J‘aurais préféré que Janny Wurts consacre plus de pages au développement et à l‘épanouissement de la relation fraternelle, qu’à asseoir son monde et son histoire. L’auteur a privilégié le côté « méninges » au détriment du cœur et des émotions de ses héros, et je trouve ça un peu dommage. On pourrait être bien plus touché par le déchirement final des deux frères et par leur corruption inévitable de la Brume. Et c’est fort regrettable, car on sent ce que le roman aurait pu être si l’auteur avait amoindri la complexité de son univers pour accorder une plus grande place aux sentiments de ses personnages...