Les Nuits de Karachi

Maha Khan Phillips

Albin Michel

  • Conseillé par
    28 avril 2012

    Au-delà de la sublime couverture, « Les nuits de Karachi » est un roman détonnant, pas moralisateur pour un sou et pourtant incroyablement cynique. Mahan Khan Phillips, jeune auteur pakistanaise, livre ici un premier roman au goût légèrement sulfureux qui plaira totalement ou pas du tout, mais qui ne laissera en tout cas personne indifférent. Pour ma part, c’est un ticket gagnant, car j’ai totalement adhéré au côté insolent des personnages et des situations (une émission « Qui veut-devenir terroriste ? » Vraiment ?) mais surtout au message sous-jacent de l’œuvre. Il faut reconnaitre que ces dernières années les kiosques et librairies en tous genres regorgent de ces récits mettant en scène une femme maltraité, tel que l’on finit par ressentir un profond malaise face au côté légèrement voyeur (et pour certains exploiteur) que l’engouement suscite. Oui, il faut dénoncer ces crimes odieux, oui il faut témoigner dans l’espoir que les choses changent mais certainement pas au détriment de la cause.


    Dans « Les nuits de Karachi », l’auteure nous introduit la jeunesse dorée pakistanaise, celle que tout le monde oublie mais qui pourtant existe depuis de nombreuses années. D’un côté, les pauvres gens, ceux qui vivent selon les lois traditionnelles où la purdah fait loi, de l’autre les nantis qui vivent comme bon leur semble (mais sans trop d’ostentation tout de même). Avec ces trois héroïnes, l’auteure introduit autant de facettes du Pakistan, entre les mariages arrangés, les profiteurs du système, les blasés, les extrémistes, c’est toute une machine qui se met en branle. Amynah la plus délurée du groupe, papillonne de soirée en soirée, se drogue comme si c’était un mode de vie (et peut être en est-ce un ici) et vit une sexualité libre. A elle s’oppose Henna la docile qui obéit à l’autorité paternelle et Mumtaz la moralisatrice ambitieuse. Quand les trois jeunes femmes décident de s’unir pour sauver une jeune femme des griffes de son mari abusif, les masques tombent…

    Le roman est découpé en deux parties, chacune proposant de courts chapitres entrecoupés par des articles de journaux, voire d’emails. Les dialogues étant de plus, plutôt nombreux, le récit y gagne en dynamisme, on avance assez rapidement dans l’intrigue. Disons-le clairement, sous peine de ne pas adhérer au concept dès les premières pages, le roman est à prendre au second degré. L’auteur manie le cynisme tel une arme de destruction massive. On rit (jaune), on s’insurge quand elle nous semble aller trop loin, mais au final Maha Khan Phillips a le mérite de choquer les esprits et d’aller au bout de ses idées. Et si son roman permet de casser l’idée Pakistan = Extrémistes point, alors je dirai que c’est un essai réussi. Une chose est sûre : séditieuses et contemporaines, « Les nuits de Karachi » n’ont pas fini de faire parler d’elles…