Freeman
EAN13
9782755649741
Éditeur
Hugo et Cie
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Freeman

Hugo et Cie

Indisponible

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Puissant comme un ouragan sur le bayouÉpicé comme un jambalaya créoleEnivrant
comme un Ramos Gin FizzEndiablé comme un air de zydecoEnvoûtant comme le
parfum des belles-de-nuitSensuel comme La Nouvelle-OrléansNoir comme un roman
de James Lee Burke

L'ouragan se déchaîne. Les bourrasques défoncent et emportent jusque sous le
ciel noir tout ce qu'elles déchirent. Les traits de pluie, glacée et violente,
fouettés par le vent, le cinglent comme autant de lanières. La pelouse est
jonchée de projectiles hétéroclites qui retombent lourdement du ciel. Il pleut
des barques, des barbecues, des poubelles.
Des lampadaires. Des remorques. Tout ce que l'ouragan arrache sur l'autre rive
du bayou Teche, il le crache sur cette pelouse. Une baignoire se fiche dans un
parterre de géraniums, à deux mètres à peine de l'homme qui sursaute.
C'est en se retournant pour voir à quoi d'autre s'attendre qu'il aperçoit
l'alligator.
Un monstre de quatre bons mètres. Trois cent cinquante kilos de fausse
pesanteur préhistorique. Caparaçonné d'une armure d'écailles cornées et de
plaques osseuses.
Le crâne incrusté de coquillages. La plus puissante mâchoire sur Terre. Quinze
fois celle d'un rottweiler.
On devine son flanc nacré enfoncé par les coups de boutoir de la tempête.
Chaque bourrasque le percute de côté pour le retourner. Par instinct, il se
plaque au sol et plante ses griffes cornées dans la terre qui s'emboue et fond
sous le déluge. Son oeil d'ambre alerté par les mouvements de l'homme, le
monstre se dresse sur ses courtes pattes, coudes écartés, pour mieux le voir
de ses yeux myopes grand ouverts sous la pluie.
Le vent en profite aussitôt. Il se glisse sous son ventre d'ivoire, l'arrache
du sol, et l'emporte avec lui dans son assaut contre la maison.
Paralysé par l'horreur, l'homme regarde l'alligator valdinguer à travers les
airs droit sur lui, tournoyant sur lui-même, comme une simple bouée de piscine
sous un vent de plage. Mais ce qui le frappe en pleine poitrine, ce sont trois
cent cinquante kilos d'un animal blindé projeté par des vents de cent quatre-
vingts kilomètres-heure. Le choc les projette cinq mètres plus loin dans la
boue épaisse qu'est devenue la pelouse. L'homme y patauge aussitôt sur le dos,
terrifié, et tente de se dégager du poids de l'alligator qui l'étouffe, tombé
à l'envers en travers de sa poitrine. Mais, d'abord étourdi par le vol et le
choc, le reptile retrouve vite ses instincts primaires. D'un coup de reins
puissant, il se remet sur ses courtes pattes et se retourne face à l'homme,
pétrifié par l'horreur à quatre pattes lui aussi. Les deux restent immobiles
dans la tempête, la gueule et le visage lacérés par la pluie, abasourdis par
le vent. Les yeux d'ambre et fendus de noir de l'alligator, sans aucune
expression, comme absent du carnage qui s'annonce. Quand il amorce un
imperceptible recul, le sicaire croit à sa chance. Une seconde. Une seule.
Celle d'après, l'alligator se jette sur lui et sa gueule hérissée de crocs
d'ivoire jaunis claque sur sa tête et lui déchire l'épaule et le crâne. Puis
l'animal s'assure, de deux brusques mouvements de la tête en l'air, que
l'homme hurlant ne lui échappera pas, et le traîne à reculons jusqu'à la berge
du bayou. Pour le noyer dans son garde-manger, quelque part au fond de l'eau,
profond sous les courants inondés.
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