Jean-Luc F.

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Conseillé par (Libraire)
19 novembre 2018

Ma sorcière bien-aimée....

En s’appuyant sur l’histoire terrible des « chasses aux sorcières » qui tuèrent, sur le bûcher, sous la torture, ou simplement de mauvais traitements dans les geôles, entre 50 et 100 000 femmes dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècle -histoire qu’elle retrace utilement dans un longue introduction- Mona Chollet dresse le portrait-type des femmes qui aujourd’hui, dans nos sociétés, pourraient incarner l’image fantasmée de la « sorcière ». A savoir la femme indépendante –célibataire ou veuve-, la femme sans enfant, et la vieille femme. C’est notre propre regard sur ces femmes qu’interroge ce bref essai, à la fois limpide et percutant, et où l’approche féministe ne prend jamais le pas sur la rigueur du propos.

19,00
Conseillé par (Libraire)
23 septembre 2018

La chambre claire de Jerôme Ferrari

Jérôme Ferrari, qui n’oublie pas qu’il est philosophe, mène dans ce livre une réflexion brillante sur la photographie, son lien intrinsèque avec la mort (Il a lu le bel essai de Roland Barthes « La chambre claire »), et sur l’obscénité des images en temps de catastrophe et de guerre. Mais il le fait avec les outils du grand romancier qu’il est : des personnages tragiques et pourtant profondément humains, ou plutôt tragiques parce que profondément humains ; une liberté narrative qui n’appartient qu’aux grands auteurs (le chapitre central du roman, poignant, est consacré à la vie d’un photographe serbe, sans rapport apparent avec le reste de l’histoire) ; une écriture souvent qualifiée de somptueuse, où la phrase semble se déployer à l’infini, passant d’une voix à une autre, comme pour mieux entrer dans la vibration de la vie. Un grand roman !
Coup de coeur de Jean-Luc.

Conseillé par (Libraire)
11 septembre 2018

Les Balkans au coeur

La Grande Ourse a une tendresse particulière pour Emmanuel Ruben, premier auteur à avoir été reçu à la librairie, lors d’une rencontre mémorable, en mai 2015. Écrivain avant tout (dans le sens où pour lui l’écriture est essentielle), Emmanuel Ruben n’oublie pas qu’il est aussi géographe, et nous livre ici une analyse d’une grande acuité, traversée de moments de méditation, sur la situation géopolitique des Balkans, ce « cœur de l’Europe »*, déchiré entre replis nationalistes et rêves perdus de grandeur. Il est question de géographie, de paysages, d’histoire, bien sûr, mais aussi du grand écrivain Ivo Andric, et de Tintin, et des films d’Emir Kusturica. C’est bref, érudit, bien loin de tout lieu commun, et donc indispensable !
* Le titre du livre est tiré d’une citation, placée en exergue, de Nicolas Bouvier dans le magnifique « L’usage du monde » (dont on ne recommandera jamais assez la lecture) : « (..) La France peut bien être -comme les Serbes se plaisent à nous le répéter- le cerveau de l’Europe, mais les Balkans en sont le cœur, dont on ne se servira jamais trop »

Conseillé par (Libraire)
10 septembre 2018

Lemberg, Lvwov, Lviv, et les souffrances de l'Europe

La ville de Lemberg se situe au centre topographique de L’Europe, « à l’intersection exacte », nous dit l’auteur, « de lignes imaginaires reliant Riga à Athènes, Prague à Kiev, Moscou à Venise (…) au carrefour des lignes de faille qui séparent l’est de l’ouest, le nord du sud ». Ville de l’Empire austro-hongrois jusqu’en 1918, elle s’est ensuite appelée Lwow, quand elle était polonaise, et se nomme aujourd’hui Lviv, et est ukrainienne. Le hasard (mais peut-être le hasard n’est-il dans ce cas que ce qui nous aide à donner un sens à l’histoire) veut qu’à Lemberg ait vécu le grand père juif de l’auteur, avant de choisir de partir pour l’Autriche, puis la France. C’est Aussi à Lemberg qu’ont étudié deux des plus grand juristes du XXe siècle, Hersh Lauterpach, juif polonais, et Roul Lemkin, qui était né lui dans l’actuelle Biélorussie. Tous deux ont joué un rôle déterminant dans le procès de Nuremberg, après avoir élaboré, dans les années de guerre, en exil l’un en Angleterre, l’autre aux Etats-Unis, deux concepts fondamentaux du droit international, le crime contre l’humanité et le génocide. Et il se trouve que c’est à l’Université de Lemberg qu’un dernier personnage, le nazi Hans Frank, Gouverneur général de Pologne occupée, prononça en août 1942 l’un des discours les plus explicites sur la politique d’extermination des juifs qui se mettait alors en place. Hans Frank sera jugé et condamné à mort au procès de Nuremberg.
A partir de ces « hasards » qui font de Lemberg une sorte de vile-symbole, en creusant et en reliant ces biographies et celles de quelques autres personnages secondaires, Philip Sands construit un livre bouleversant, extrêmement documenté , mais toujours profondément incarné, au sens fort du terme, car Lemberg cristallise les souffrances abominables dans laquelle s’est construite, au milieu de XXe siècle, l’Europe dans laquelle nous vivons (et dont on voit bien aujourd’hui qu’elle est guettée par les mêmes démons qui avaient fait d’elle un champ de ruines).
Méditation sur la disparition d’un monde, celui des juifs d’Europe (notamment à travers le contrepoint de photographies, souvent très émouvantes, dans la fragilité de ce qu’elles évoquent) réflexion passionnante et ô combien actuelle sur deux concepts devenus incontournables, le génocide et le crime contre l’humanité, Retour à Lemberg n’oublie jamais d’être aussi un récit, qui nous tient en haleine de bout en bout (on pense aux Disparus de Daniel Mendelsohn). Un très très grand livre !

Conseillé par (Libraire)
10 septembre 2018

Bleu de Prusse

Philip Kerr réussit cette gageure, depuis le début de son œuvre, de porter haut l'art du roman policier tout en se livrant à une analyse du nazisme qui pourrait en remontrer aux meilleurs historiens. Nourris d'un connaissance intime de l'histoire du IIIe Reich, et de la personnalité de ses dignitaires, ses romans ne cèdent rien sur la rigueur de l'intrigue et la virtuosité de la narration. Bleu de Prusse, nous emmène à Berchtesgaden, "nid d'aigle du Fuhrer" mais surtout, plus que Berlin, veritable lieu du pouvoir. C'est peut-être le plus aboutis des romans de Philip Kerr. C'est aussi son dernier, puisque ce grand auteur nous a quittés en 2018. Une bonne raison de ne pas passer à côté...